Station balnéaire à la mode, du milieu du 18ème au début du 19ème siècle, Royan se paraît de nombreuses constructions de style néo-flamand, c’était la « Belle époque » des bains de mer, du tourisme à la mode pour les bordelais, avant qu’Arcachon ne ravisse le statut de station balnéaire à la mode. Fin de la deuxième guerre mondiale, dans la nuit du 5 janvier 1945, à la suite d’une erreur stratégique, les alliés bombardent la ville. Le chaos est presque total, un gigantesque chantier va débuter. Celui du déblaiement, puis de la Reconstruction. Quatre photographes du club se sont rendus sur place pour une journée pendant laquelle chaque bâtiment, public ou privé a été observé, accompagné de précisions spécifiques. Merci à Marie-Thérèse, Jean-Claude et Pascal pour leur participation.
Après les années de déblaiement, de 1945 à 1948, viennent les grands projets de la Reconstruction. Des volontés stylistiques apparaissent : « Royan cinquante », faire « moderne » tout en gardant une référence aux Beaux-arts.
En 1947, un basculement des références va avoir lieu, dirigé par l’architecte en chef, Pierre Ferret. C’est le début du style brésilien de Niemeyer.
A l’époque, au Brésil, inspirés par Le Corbusier, des architectes locaux ont « tropicalisé » leur style. L’esprit était de faire adhérer « la forme à la fonction » : – de traiter la relation « intérieur/extérieur » – d’utiliser des « brises-soleil » – d’adopter un amour des courbes – de faire des façades épaisses – d’utiliser des carreaux de verre A partir de 1948, cet impact a été décisif pour l’architecture balnéaire Royannaise. L’arrivée de la technologie du béton armé a largement facilité l’application de ce nouveau style.
B Â T I M E N T S P U B L I C S
La poste centrale
Louis Ursault, courant années 50, modifie son plan initial et dessine une rotonde vitrée prolongée par une élégante galerie couverte (malheureusement, il ne reste plus grand-chose du dessin original puisque, dans les années 70, le bâtiment a été empâté par de lourdes et disgracieuses plaques de béton).
Les galeries Botton
C’est devant l’Auditorium, face à la Grande Conche, que les Galeries Botton trouvent place, lors de la Reconstruction. Les boutiques sont desservies par une coursive dont plusieurs passages s’ouvrent sur la ville. Ces galeries sont particulièrement représentatives de l’influence brésilienne sur l’architecture de la Reconstruction tout en conservant l’aspect sinueux des galeries d’avant-guerre.
Le Front de Mer
Il s’étend sur plus de 600 mètres, constitue la plus grande opération urbaine de la Reconstruction. Orientées perpendiculairement à l’axe du boulevard Aristide Briand, les deux barres courbées constituent le corps principal de la cité d’été et abritent, jusqu’en 1985, un exceptionnel Casino circulaire. Tels deux bras ouverts sur l’océan, la courbe du Front de Mer épouse la Grande Conche. Confié par Claude Ferret à ses adjoints Morisseau et Simon, le projet regroupe des commerces en rez-de-chaussée et du logement sur quatre étages. La composition, encore fidèle aux enseignements classiques, annonce les premières manifestations des influences corbuséennes et brésiliennes.
Le casino municipal
En 1961, 17 ans après les premières esquisses des architectes, le nouveau Casino ouvrait ses portes à l’emplacement de l’ancien square Botton, face au port et à la plage. Conçu par les architectes Claude Ferret, Pierre Marmouget et Adrien Courtois, il portait la marque de l’influence de l’architecture brésilienne, bien présente dans nombre de réalisations de la Reconstruction à Royan. Gilles Ragot, dans l’ouvrage “L’Invention d’une Ville”. Royan 1950 nous en donne la description : « Il [Le casino] présente une rotonde centrale sur laquelle se greffent…/a salle de théâtre et le cinéma, le petit théâtre, le baccara et le restaurant. Une aile, réservée à l’administration et aux logements de fonction, ceinture l’édifice. Un escalier extérieur conduit au toit terrasse que prolonge une galerie couverte épousant la courbe du Front de Mer » dont le Casino est « le point d’orgue ». Le Casino a été détruit en 1985.
Le Palais des congrès
Le Palais des Congrès est implanté à l’emplacement de l’ancien casino de Foncillon, détruit le 5 janvier 1945. Le rez-de-chaussée se compose d’un grand hall desservant la salle polyvalente des congrès et les galeries de circulation destinées à recevoir des expositions. Le vaste restaurant s’ouvre à l’étage sur un balcon surplombant la mer. Le tout s’inscrit dans un parallélépipède élevé sur pilotis, soutenu par un audacieux système de consoles maintenues en porte-à-faux, et visible en se plaçant sur les côtés de l’édifice. La grande salle de spectacle épouse librement la forme d’une rotonde. Elle bénéficie des jeux d’ombre et de lumière offerts par les panneaux perforés en aluminium, tout droit sortis des ateliers Prouvé de Maxéville, complétés par le mur de scène percé d’ouvertures carrées.
L’église Notre-Dame
“Je veux que Royan ne soit pas une ville couchée, mais une ville debout, redressez-la par la silhouette de l’église “. Voilà en quels termes, le maire de Royan, Max Brusset, oriente le projet de Notre-Dame soumis par l’architecte Guillaume Gillet. L’architecte parisien dessine un plan comprenant 24 piliers en V ceinturant une ellipse de 40 mètres de long par 20 de large, tandis que trois autres V hissent le clocher à 55 mètres de hauteur. La couverture, un voile mince (moins de 8 cm) de béton coulé, en forme de selle de cheval, est tendue sur les piliers. Le chœur et la nef, dégagés, bénéficient d’une hauteur sous voûte d’environ 30 mètres et peuvent accueillir jusqu’à 2 000 personnes. Les vitraux, signés Henri Martin-Granel, ont été imaginés par Guillaume Gillet, lui-même, qui dessine tout jusqu’aux porte-cierges.
Le temple, Centre protestant
Le Centre surplombe le cimetière protestant, épargné miraculeusement par les bombardements. Marc Hebrard, protestant, assisté de son associé et ami catholique, Jean Bauhain, tente de remédier aux contraintes du terrain par un projet en retrait, accordant à la façade une monumentalité inespérée. Temple et presbytère sont assis sur une terrasse en exèdre qui domine le jardin repoussé en partie basse. Un petit bâtiment associatif et la maison du pasteur en matérialisent les limites, prolongés par l’audacieuse galerie du parvis. Des piliers de métal rehaussés de bleu ancrent la fine toiture des coursives. De larges percées et le clocher élèvent le regard vers le ciel.
L’église Notre-Dame de l’Assomption.
Destinée au culte catholique et offerte aux habitants du quartier du Parc, cette étonnante église interpelle quiconque emprunte l’avenue Émile Zola. Confié à Jean Bauhain, dès le début des années 50, ce projet est pensé avec le concours de ses associés Baraton et Hébrard, largement investis dans la reconstruction du temple protestant. La grande liberté formelle et plastique de ce bâtiment reprend sans contradiction les principes énoncés par l’architecte. Elle s’apparente à la chapelle Saint-François, érigée par Oscar Niemeyer dans le quartier de Pampulha à Belo Horizonte au Brésil et concilie l’avant-gardisme des voiles autoportants à l’académisme encore bien présent du plan des églises européennes. Ainsi, sur une assise de pierre appareillée, une parabole de béton, confondue dans le classicisme roman de l’ensemble, permet de lire en façade le volume de la nef. Un traitement de céramique plus récent en accentue la présence et mène le fidèle au cœur du sanctuaire. Au nord, un clocher campanile dont la base a été évidée, flanque le parvis.
Le marché central
Point d’orgue de la perspective du boulevard Aristide Briand, le marché central trouve très tôt sa place définitive dans la composition urbaine de Claude Ferret. Le projet, confié aux architectes Morisseau et Simon, acquiert son élégance avec la participation de l’ingénieur Laffaille qui oeuvre à Notre-Dame. Laffaille remporte la consultation en proposant de mettre en oeuvre un unique voile mince de béton plissé (9 à 10 cm). La forme de coquillage libère un vaste espace destiné à la vente. En façade, un remplissage béton et verre assure l’étanchéité de l’ensemble. De grands auvents indépendants de la coque s’élancent pour marquer les entrées. Les treize voûtes sont arrimées au sol par des câbles pour maintenir l’édifice ceinturé et débordent en toiture pour protéger les bancs de « plein vent » des commerçants. En guise de clef de voûte, un traitement de pavés de verre offre à la halle un subtile éclairage zénithal.
V I L L A S ET I M M E U B L E S P R I V É S
La Perrinière
Architecte(5) : Marcel BARNIER, Jean DAUGROIS. Adresse : 1, Rue Albert Barthe (angle Boulevard Frédéric Garnier) / Date de projet: 1955
Etabli à la façon d’une confortable villa Belle Époque, au centre d’une agréable parcelle d’angle, ce petit immeuble apparaît au début du boulevard Garnier tel un écran de télévision rivé sur le large. Composé de deux volumes encastrés, il regroupait à l’origine trois appartements. Sa composition épurée, sa répartition sur trois niveaux équivalents et ses vues mono-orientées sont autant de détails qui rapprochent ce projet de ceux d’architectes brésiliens, tels Niemeyer ou Reidy. Le rez-de-chaussée, en retrait sur trois des quatre faces, constitue un piédestal solide aux deux étages supérieurs.
Ceux-ci, encadrés par une dalle de béton, forment un volume monumental, dont la façade principale a été biseautée, sans doute pour favoriser la pénétration de la lumière. Les parois et baies vitrées ont été repoussées pour laisser place à deux balcons étendus sur toute la largeur du bâtiment. En haut, un minutieux claustra, chef-d’œuvre de maçonnerie, tend à rendre à l’habitation cet espace emprunté, en refermant symboliquement le volume
Ombre blanche
Architecte(s) : Claude BONNEFOY. Adresse : 70, Boulevard Frédéric Garnier / Date de projet: 1958
Implantée sur ne parcelle profonde située sur le boulevard Garnier et accessible à l’arrière par l’avenue du Parc, la Villa « Ombre Blanche » domine la Grande Conche. Flanqué de deux bâtiments emblématiques de la Belle-Époque, son plan en forme de « U » inégal s’ouvre généreusement sur le jardin. Le contraste marqué des volumétries et des matériaux n’est pas sans rappeler celui de la très célèbre Villa « Savoye » de Le Corbusier.
Mais, l’utilisation des pilotis, des enduits lisses et blancs, de l’escalier hélicoïdal et surtout la façade biseauté et le toit à double pente inversée témoignent aussi des influences de l’architecture brésilienne des années 40, initiée par Oscar Niemeyer ou Affonso Reidy. La façade, ouverte sur l’océan, composée d’un soubassement de grès rouge rehaussé d’un volume symétrique maintenu en porte-à-faux par de fins pilotis métalliques, est comparable au design des postes de radio de la même époque.
Hélianthe
Architecte(s) : Yves SALIER. Adresse : 38, Boulevard de la Grandière / Date de projet: 1952
Située tel un petit immeuble en bordure de rue, la villa « Hélianthe » doit sa courbe à la nécessité de raccorder la bande bâtie du boulevard de la Grandière au siège des Ponts et Chaussées, construit quelques années auparavant, par le même architecte bordelais. Elle se décompose en un rez-de-chaussée disparaissant dans la pénombre, un premier étage en porte-à-faux, supporté par une série de fins poteaux métalliques et un second étage dont le retrait libère une grande terrasse. Son plan était initialement conçu pour accueillir trois logements et un cabinet dentaire. La façade principale, largement exposée aux rayons du soleil et au littoral, a été pensée pour offrir une multitude d’ambiances aux espaces intérieurs. L’utilisation de claustras et de retraits apporte la profondeur et la légèreté utiles au traitement de la lumière.
Villa Marmouget-Collège
Architecte(s) : Pierre MARMOUGET, Edouard PINET. Adresse : 22, Avenue Émile Zola (angle Avenue du Collège) / Date de projet: 1952
Cette curieuse maison a su tirer parti de la longue parcelle sur laquelle elle a été bâtie. Sa situation particulière, à l’intersection des avenues Émile Zola et du Collège, semble avoir défini les principales lignes de sa composition. Aussi, une façade unique tend à articuler les deux axes. Se développant selon une généreuse courbe, elle accompagne le piéton dans sa pérégrination.
Ainsi lovée, la maison posée sur une dalle mince à peine surélevée organise ses espaces. Le premier étage, ceint d’une vaste coursive tenant lieu de balcon, résiste aux affronts du soleil, protégé par une symbolique pergola de béton. Le retrait des baies vitrées offre, au rez-de-chaussée, une vaste terrasse couverte et souligne la rotondité de l’édifice. Décollées du plafond par deux rangs de pavés de verre, elles confèrent à l’ensemble une légèreté sans équivoque. À l’arrière, le corps principal est rattrapé par un second volume qu’un voile de béton ajouré tente de rattacher.
Villa La Rafale dite “Boomerang”
Architecte(s) : Pierre MARMOUGET. Adresse : 9, Allée Georges (angle Avenue de la Grande Plage) / Date de projet: 1955
Cette surprenante villa se blottit à l’ombre des grands pins de l’allée Georges, dans le quartier du Parc.
Dessinée selon le modèle du bungalow, cette extraordinaire villa, si légère, doit son sobriquet à son plan et à sa forme. Coincé entre deux dalles minces de béton et surélevé par une série de pilotis, l’édifice se divise en deux corps distincts. L’un, ouvert largement sur le jardin, concentre les principales pièces à vivre, tandis que le second, hermétique, regroupe plus particulièrement les chambres. Le garage demeure le seul élément en contact avec le sol. Une échelle cocasse permet de descendre directement du bâtiment à la piscine. Les quelques marches de l’entrée, concrétisée par une casquette de béton, mènent à une vaste coursive de desserte. Une rambarde ajourée, à l’instar de celle du Casino Municipal, invite le visiteur à entrer et l’accompagne jusque dans le hall.
Les photographes, de gauche à droite: Pascal, Denis, Marie-Thérèse et Jean-Claude.
Crédits photos et commentaires: les photographes ci-dessus et le site c-royan mémoire vive de royan et du Pays Royannais
Magnifiques photos avec des explications riches parce que très fouillées. Un reportage très efficace et esthétique !
Vous savez donner le frisson en révélant la beauté des lieux et surtout le modernisme affiché à la sortie de cette période si complexe et meurtrie. Merci infiniment à vous 4.
Beau travail ,Denis et merci aux photographes
Belle découverte de Royan à travers ce reportage riche et bien documenté. Je regrette de ne pas avoir été disponible cette semaine. Merci à voue quatre.
Très beau reportage, Denis ! Très belles photos. N’avais pas eu le temps de le lire jusqu’à maintenant. Dommage d’avoir manqué cette belle sortie mais je n’ai pas eu le choix.